Comment vous décririez-vous, en quelques mots ?
Je suis une personne extrêmement curieuse, souvent obsédée par le fait de comprendre le pourquoi et le comment des choses.
Comment votre formation en journalisme a-t-elle influencé la façon dont vous concevez vos séries ?
J’ai toujours eu l’impression que ma méthodologie de recherche reposait sur ma personnalité plus que sur mes études ou ce qu’elles m’ont apporté. J’ai l’impression d’avoir « atterri » dans le journalisme afin de chercher des outils pour m’aider à développer quelque chose qui était déjà présent en moi.
Pourquoi choisissez-vous de travailler avec différents supports ?
Pendant longtemps, travailler avec différents supports a fait partie d’un processus dont l’objectif était de briser les barrières et de trouver des moyens supplémentaires de raconter une histoire, lorsque la photographie ne suffisait pas. Et puis j’ai finalement compris que je pouvais être libre de les explorer et de les utiliser lorsque mon intuition me le disait.
Pensez-vous qu’il existe un « regard de femme » en photographie ?
Il existe un regard patriarcal prédominant. Souvent, des femmes ont été forcées d’adopter « le regard du statu quo », car c’était le seul accepté, enseigné, récompensé et normalisé. Et lorsqu’elles faisaient quelque chose de différent, elles n’arrivaient pas à vendre leurs œuvres. Aujourd’hui, c’est difficile à dire, puisque le genre est également en crise et que les étiquettes sont complexes, mais je suis certaine que de nouveaux espaces existent et qu’ils permettent de voir différemment.
Dans A History of Misogyny, vous traitez la question des injustices à l’égard des femmes, comment choisissez-vous les thèmes sur lesquels vous travaillez ?
C’est un processus très organique. Tout a commencé par la découverte d’histoires non racontées et de problèmes liés à la façon dont elles étaient relayées par les grands médias. J’observe toujours un lien personnel avec elles, au moins une étincelle qui déclenchait quelque chose en moi pour générer cette curiosité de comprendre.
Aujourd’hui, les projets deviennent plus complexes, et de nombreux aspects sont en jeu, mais j’essaie de revenir à la racine et de forcer lentement ma perspective à s’orienter vers une écriture plus personnelle – puisqu’elle a toujours été là.
En tant que femme, qu’avez-vous appris en travaillant sur ce projet ?
Mon travail d’artiste façonne mon empathie, mon éthique et ma politique et m’offre une perspective plus large sur le monde.
Avez-vous déjà souffert de préjugés en raison de vos choix de sujets ?
Bien sûr.
Pourquoi le féminisme est-il important ? Et dans le domaine de la photographie ?
Le féminisme ? Il s’agit des droits humains fondamentaux. Pourquoi cela ne serait-il pas pertinent aussi en photographie ?
Quel·les auteur·es vous ont inspirée ? Y a-t-il des femmes photographes parmi elles/eux ?
Sophie Calle, Taryn Simon, Teresa Margolles, Barbara Kruger, Ana Mendieta, Helena Almeida…
Que diriez-vous à une jeune photographe qui a peur de se lancer ?
Trouvez la véritable raison pour laquelle vous souhaitez devenir photographe. Car, une fois vos motivations égocentriques mises de côté, cette raison vous permettra de rester forte, lorsque les choses se compliqueront.
Votre série On Abortion vient d’entrer dans les collections du Centre Pompidou, un mot à ce sujet ?
En faisant partie de la collection permanente du Centre Pompidou, On Abortion prend une dimension intemporelle, et offre un espace pour A History of Misogyny. Car l’objectif de ce travail est de ne jamais oublier que nos droits auront toujours besoin d’être protégés.