Azu Nwagbogu - Commissaire du secteur Voices
Dans le cadre du nouveau secteur Voices, le commissaire Azu Nwagbogu répond à nos questions et présente son projet intitulé Corps libérés qui sera exposé à Paris Photo du 7 au 10 novembre 2024, au rez-de-chaussée du Grand Palais.
Joana Choumali, Don't Run Away From Yourself, series ALBAHIAN, 2024 - Courtesy of the artist & Loft Art; © Joana Choumali
Avec votre concept « Corps Libéres », vous nous invitez à remettre en question la subjectivité des archives. Comment les artistes que vous avez sélectionnés utilisent-ils les archives pour libérer la photographie de son rôle conventionnel ?
Le travail de Cai Dongdong s'appuie sur des archives photographiques pour raconter l'histoire de la Chine moderne. La période de 1949 à 1989 a été marquée par de nombreux événements majeurs qui ont influencé le monde, révélant l'échec des utopies et les dérives de l'intervention humaine, avec des conséquences dévastatrices sur l'écologie et les vies humaines. Si aujourd'hui nous parlons d'Anthropocène, je dirais que la décadence a commencé avec les guerres de conquête et le colonialisme qui ont façonné le siècle dernier. Pourtant, ces événements cruciaux restent largement méconnus. Le travail de Dongdong ne se veut pas une photographie à titre de preuve ou de commentaire juridique, mais plutôt l'expression d'une impulsion artistique puissante, une réflexion sur cette période charnière de l'Histoire.
Le travail de Joana Choumali repose également sur les archives, mais dans son cas, il s’agit d’une archive familiale personnelle, qui rend hommage à son parcours en tant que personne empathique dans un monde vicieux et violent. On entend souvent dire que le travail est cathartique, et dans le cas de Joana Choumali, c'est tout à fait vrai. Choumali coud et tisse des souvenirs et des histoires grâce à son intervention de couture « radioactive » sur les tirages photographiques.
Le "Grand Bond en avant", la Révolution culturelle et les relations sino-soviétiques du siècle dernier prennent, aujourd'hui, une nouvelle signification. Tout cela devient fascinant à analyser du point de vue de l'histoire de l'image.
Lebohang Kganye est la dernière lauréate du prestigieux prix photographique de la Deutsche Börse. Son travail est basé sur le récit du passé trouble de l'Afrique du Sud à travers diverses interventions photographiques sculpturales.
Je ne veux pas en révéler trop mais j'ai hâte que vous découvriez tout cela du 7 au 10 novembre à Paris Photo.
Existe-t-il un lien historique entre ces œuvres et pourquoi avez-vous choisi de les mettre en relation ?
D'un point de vue formel, ces œuvres sont toutes liées par leurs natures d’archives et, par ailleurs par leurs dimensions sculpturales et l’ajout d’éléments. Le poids historique des œuvres est également manifeste. En d'autres termes, il s'agit d'un commentaire sur la conquête, les formes d'hégémonie et l’intervention humaine qui tente de soumettre la nature, la géographie et les gens.
Dans le cadre de vos recherches actuelles, comment la photographie permet-elle de mieux comprendre la société et la culture, et quel est son impact ?
La photographie est la lumière et la lumière dissipe l’obscurité. Elle éclaire et informe. Avec la proposition « Liberated Bodies », j’espère qu’elle saura libérer votre imagination et nous rapprocher de la vision et du sentiment d'une humanité partagée.
Cai Dongdong, Miss the Target, 2020 - Courtesy M97 © Cai Dongdong, Courtesy of M97 Shanghai
Galeries exposées
La Patinoire Royale Bach, Bruxelles – Solo Show - Lebohang Kganye
Loft Art, Casablanca – Solo Show - Joana Choumali
M97, Shanghai - Solo Show - Cai Dongdong
Portrait d' Azu Nwagbogu - Crédits: Anastasia Ermolenko
Biographie
Azu Nwagbogu - Fondateur et Président du LagosPhoto Festival, Commissaire indépendant
« La sélection pour Voices – « Liberated Bodies » - rassemble des artistes qui réaniment les archives en transformant soit une archive existante, soit leur propre archive personnelle, afin de raconter des histoires, ou si ce n'est pas une histoire, simplement une idée d'une vie vécue. En un sens, leur pratique reconnaît l'archive comme un être actif, vivant et respirant, libéré par l'intervention artistique. »
Azu Nwagbogu est un commissaire d'exposition indépendant, intéressé par l'élaboration de nouveaux modèles d'engagement avec les questions de décolonisation, de restitution et de rapatriement. Pour lui, l'exposition est conçue comme un espace expérimental dédié à la réflexion, l'engagement civique, l'écologie et le rapatriement - à la fois tangible et symbolique. Azu Nwagbogu est le fondateur et le directeur de l'African Artists' Foundation (AAF), ainsi que le fondateur et le directeur du LagosPhoto Festival. Il est également l'éditeur d'Art Base Africa. En 2021, Azu Nwagbogu a reçu le prix « Curator of Year 2021 » décerné par la Royal Photographic Society (Royaume-Uni) et a été classé parmi les cent personnes les plus influentes du monde de l'art par ArtReview. En 2021, Azu a lancé le projet « Dig Where You Stand (DWYS) - From Coast to Coast » qui propose un nouveau modèle de construction institutionnelle et d'engagement, avec des questions de décolonisation, de restitution et de rapatriement. L'exposition a eu lieu dans le centre culturel SCCA d'Ibrahim's Mahama à Tamale, au Ghana.