Comment en êtes-vous venue à la photographie ? Vous définissez-vous comme photographe ?
Je ne suis pas assujettie à un matériau ou à une technologie, qu’elle soit ancienne ou actuelle. J’essaie de dire des choses importantes pour mon époque, en interrogeant des phénomènes de société.
La démarche, le concept précèdent. Je cherche ensuite la meilleure matérialité, la meilleure manière de dire. Mais j’utilise et j’ai beaucoup utilisé la photographie. Et ce, qu’elle soit numérique ou non, et souvent retravaillée avec photoshop.
J’ai beaucoup œuvré, surtout au début, en me photographiant. J’ai donc de nombreuses œuvres photographiques dans mon parcours. D’autant plus que la performance, l’éphémère, est très tributaire de la photo, de la vidéo – de la trace.
Quels sont vos engagements dans votre pratique photographique ?
Je veille à ne surtout pas faire de photos esthétisantes et stéréotypées. Je préfère dérégler, interroger cette pratique de toutes les manières possibles. J’ai par exemple travaillé avec la réalité augmentée.
Est-il légitime de parler d’un regard de femme dans la photographie ? Vous sentez-vous concernée ?
Je dis toujours que je suis “Un femme et Une homme”. Mais mon corps biologique est femme et je me suis photographiée en tant que femme : femme artiste refusant les stéréotypes habituels de la photo classique. Une photo faite par des hommes considérant souvent la femme comme un objet, pris dans tous les filets de l’érotisation bas de gamme du corps de la femme.
Je considère le corps comme le produit de forces et de discours corporels. Le corps est toujours politique.
Actuellement, je travaille avec des photos d’animaux en voie de disparition co-existant avec des robots fabriqués avec des objets recyclés et photoshopés.
Votre statut de femme a-t-il, ou a-t-il eu, une influence sur votre statut d’artiste ?
Toute mon œuvre interroge le statut du corps dans la société, à travers les pressions corporelles, traditionnelles, religieuses et politiques qui s’inscrivent dans les corps et en particulier dans les chaires féminines.
Vivez-vous de votre art ?
Pendant très longtemps, je n’ai pas vécu de mon art. J’ai fait plusieurs petits boulots, puis j’ai été enseignante dans des écoles des beaux-arts – j’y ai appris à gérer mon imaginaire. Je suis par la suite entrée dans de bonnes galeries, et j’ai pu vivre de mon art.
Je suis actuellement en difficulté. Si toutes les expositions sont repoussées à 2022, il n’y a pas de vente, ou bien très peu. Nous nous demandons toutes et tous comment nous allons tenir, et jusqu’à quand cela va durer…
Quels sont les auteur(e)s qui vous inspirent ? Parmi eux/elles, y a-t-il des femmes photographes ?
Il y a eu Humanly Impossible de Herbert Bayer, qui a été un grand choc pour moi. Claude Cahun, Hannah Höch et Leigh Bowery, Diane Arbus…