Comment en êtes-vous venue à la photographie ? Vous définissez-vous comme photographe ?
Alors que j’approchais des 30 ans, et que je ne trouvais rien à faire, j’ai commencé à me demander de quoi mon futur serait fait. Un ami m’a donné un ensemble d’outils photographiques à utiliser dans la chambre noire, ainsi qu’un appareil photo. J’avais simplement besoin, pour démarrer, de pellicules, de produits chimiques, et de papier photo. Lorsque j’ai pénétré pour la première fois dans la chambre noire, j’ai senti quelque chose qui m’a rendue nostalgique. J’ai demandé à mon ami ce que c’était et il m’a répondu qu’il s’agissait de l’acide acétique glacial, qu’on utilisait pour fixer l’image. Il se trouve que j’avais déjà utilisé cet acide acétique glacial lorsque j’étudiais le textile à l’université. C’était une solution utilisée pour fixer la couleur sur la laine. J’ai donc fait le parallèle entre la photographie et la teinture de textile, et cela m’a intriguée. Je ne me considère pas comme une photographe, car je pense que ce médium n’est qu’un des nombreux moyens d’expression. Je perçois la photographie comme une méthode. Je pourrais définir mon travail de multiples manières.
Quels sont vos engagements dans votre pratique photographique ?
Je veux capturer ce qu’on ne peut pas voir. La photographie ne peut capturer que des surfaces, mais je veux aussi révéler l’invisible, l’air, l’atmosphère, les sons, les souvenirs – ce qui se cache derrière cette surface. Je cherche à imprimer le présent sur un papier, pour qu’il soit fixé à la manière d’une image, et que toutes mes pensées et émotions soient fixées dans cette beauté, ou cet amour.
Est-il légitime de parler d’un regard de femme dans la photographie ? Vous sentez-vous concernée ?
Je pense que c’est un outil efficace, pertinent, car c’est un problème duquel on ne peut se détacher. La raison pour laquelle il faut mentionner ce « regard de femme » en photographie est qu’historiquement, la discrimination et les préjugés envers les femmes ont causé de gros dégâts, et ne disparaîtront pas de notre vivant. Ces injustices existent aussi dans le 8e art, et il nous faut en être conscients. Cependant, bien que nous ne vivions pas notre vie en tant que femmes – nous sommes avant tout des êtres humains – nous ne pouvons négliger la dimension politique de ces enjeux, et, parfois, élever nos voix peut être efficace. Cela est toujours d’actualité, car j’ai pu observer la nature très “réservée aux garçons” de la scène photographique au Japon au cours de ma carrière.
Votre statut de femme a-t-il, ou a-t-il eu, une influence sur votre statut d’artiste ?
Je crois que je suis une artiste d’abord, avant même d’être une femme. Pour moi, être une femme est l’un des facteurs de mon art. Bien sûr que cette dimension m’affecte. Être une femme n’est pas tout, c’est un élément qui me modèle, mais c’est aussi quelque chose d’important à penser en relation avec le médium photographique. ひろしま / Hiroshima est une série d’images qui montre clairement ma perspective féminine, et qui m’a aidée à gagner une certaine conscience de mon identité en tant que femme.
Vivez-vous de votre art ?
Oui, je vis entièrement de mon art.
Quels sont les auteur(e)s qui vous inspirent ? Parmi eux/elles, y a-t-il des femmes photographes ?
Les romanciers et philosophes m’ont toujours inspirée. Mais toutes les images que j’ai présentées sont le reflet de ma propre éducation. Je pense et j’agis de mon propre chef, je crée mes propres œuvres, et celles-ci sont ma responsabilité. Je ne me sens pas influencée par qui que ce soit, bien que j’aie des auteurs et œuvres que j’admire. Mais je ne peux pas dire que j’ai une femme photographe préférée.